C’est à motocross, en 4×4 ou à pied que l’on rejoint Amberomanga. A plus de deux heures de route d’Antananarivo, on quitte la RN4 et on emprunte sur 12 km une piste quasi-impraticable. Le village, difficile d’accès, est devenu le berceau de la filière soie dans la zone de Mahitsy, une région historiquement séricicole au temps des rois. Evidemment, il n’y a ni électricité ni eau courante.
Le défi était de taille, mais le résultat est bien là, sous nos yeux, dans l’atelier où sont entreposées des piles d’écharpes tissées par des mains de fée. Des tissus tout en couleurs, un fil pur et soyeux, et une finition impeccable. Un vrai travail d’artiste ! Toutefois, la relance de la filière soie ne s’est pas faite en un jour. L’élevage du ver à soie, le bombyx mori, appelé sériciculture, a été relancé par AMADEA en 1998. Depuis, l’activité est en permanente évolution et se perfectionne au fil des années. Pour la mise en route, il aura fallu sélectionner les variétés de mûriers les plus nutritives et les plus adaptées au climat de la zone, pour nourrir les vers à soie, et en planter des milliers et des milliers. Un laboratoire de grainage a été créé dans le village pour produire des semences (graines de ver à soie) provenant des meilleures souches disponibles, exemptes de maladies, notamment de la pébrine, qui avait provoqué, en d’autres temps le déclin de la sériciculture.
L’atelier MADASOIE a débuté avec des matériels traditionnels de filature et de métiers à tisser. L’objectif était alors de permettre aux paysans de transformer leurs cocons, qui sont des produits périssables, pour se soustraire à l’emprise des collecteurs qui achetaient leur récolte à des prix dérisoires. En 2002, ONUDI a mis en place, à Madagascar, la relance de la filière. L’appui de ce programme a permis d’introduire de nouveaux plants de mûriers et de nouvelles souches de semences de bombyx. La modernisation de tout le matériel nécessaire à l’ensemble de la filière a été un des apports majeurs du programme. Filature et tissage bénéficièrent ainsi de cette modernisation. Amberomanga fit partie des premiers à en faire l’acquisition. Etalée sur 5 ans, la relance de la filière soie par l’ONUDI a permis aux paysans d’atteindre un bon niveau dans la maîtrise technique du travail de la soie et de produire du fil et du tissu de bonne qualité.
Au fil des années, le perfectionnement du travail de la soie se poursuit dans l’atelier d’Amberomanga. En 2015, il a eu la chance de recevoir, exceptionnellement et bénévolement, pendant un mois, les enseignements d’une experte de haut niveau, spécialiste de la soie. A l’issue de la formation, le savoir-faire de l’équipe de MadaSoie a fait « un bond de plusieurs années ». Elle a découvert durant cette période des techniques de filature, de teinture et de tissage qui ont bouleversé totalement ses habitudes et l’a amènée à innover et à rechercher chaque jour une plus grande maîtrise de son art.
Lorsque l’on visite l’atelier MadaSoie d’Amberomanga, il y règne une ambiance de concentration. Melly, Sandrine, Nambinina, Sylvie et Fara s’activent comme des fourmis : qui au dévidage pour tirer du cocon un fil de soie continu pouvant aller jusqu’à 1,5km – qui au moulinage pour tordre et consolider le fil. Il en ressort de jolis écheveaux de fils travaillés et de différents aspects. Les fils calibrés peuvent maintenant être utilisés pour le tissage. Ils sont montés sur les métiers à tisser pour fabriquer des écharpes qui resteront aux couleurs naturelles de la soie ou seront teintes. Tons pastel ou couleurs éclatantes, le choix est fait selon l’inspiration des artisans-artistes qui sont à l’origine de ces belles créations.
Le magnifique travail du tissage requiert patience, habileté et précision. C’est donc le talent des petites mains de l’atelier, manipulant les précieux fils de soie, qui fait la finesse et la beauté des écharpes obtenues.
Néanmoins, le travail réalisé en amont pour produire les cocons est tout aussi essentiel. La qualité soyeuse du cocon dépend de la qualité et de la quantité de feuilles de mûrier que les éleveurs donnent au ver à soie pour le nourrir. Aux alentours d’Amberomanga, à des dizaines de km à la ronde, voire plus, Barizaka est devenu le référent des sériciculteurs. Principal pilier de l’atelier MadaSoie, ce technicien d’AMADEA assure l’approvisionnement de la zone en graines de bombyx et l’appui technique à tous ceux qui veulent s’adonner à cette activité. Grâce à son travail, la disponibilité des œufs de ver à soie a fortement contribué au développement de la filière soie dans cette zone. Ainsi, actuellement, environ 300 paysans disposent d’une source de revenus importante grâce à la sériciculture, une activité saisonnière qui se pratique du mois de septembre au mois de mai. En acquérant et en transformant leur production, l’atelier assure un débouché aux éleveurs partenaires d’Amadea. La filière leur garantit en outre un prix rémunérateur pour la vente des cocons tout en augmentant leur autonomie. Dans une région fortement touchée par le fléau du feu de brousse, le développement de la moriculture et la sériciculture contribue à la protection de l’environnement car le sériciculteur a besoin d’un pied de mûrier pour élever une cellule de graines de bombyx (environ 500 œufs).
En bout de chaîne, les écharpes sont vendues à Madagascar et en France. Afin de mieux répondre aux exigences de qualité et pour satisfaire la demande, Amadea planifie une réorganisation de l’atelier qui passe par la construction d’un nouveau local pour mieux dissocier les activités de tissage et de filature. Le développement de l’activité de MadaSoie ne peut que permettre à encore plus de paysans d’améliorer leur niveau de vie grâce à la sériciculture.
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